Récit de la 2ème étape de la Mini Transat 2023

© Manon Le Guen

Après 14 jours, 22 heures 55 minutes 23 secondes de course, le skipper Ulysse David a franchi la ligne d’arrivée de la 2ème étape de la Mini Transat, ce dimanche 12 novembre à 12h15’23” (heure française), arrivant à la 7ème place. Après quelques jours passés à récupérer, le skipper du Mini EQUANS a répondu à nos questions.

Depuis ton arrivée en Guadeloupe, il y a quelques jours, comment te sens-tu ? 

Je vais très bien. Je suis très heureux d’être arrivé sur une île que je découvre. C’est magnifique. C’est super les tropiques, avoir la chaleur en hiver, c’est génial. On dirait qu’on est au paradis. 

Quel est ton ressenti général sur cette deuxième étape ? 

J’ai bouclé mon projet de deux ans avec une réussite : cette course. Durant tout le début de l’étape, je n’étais pas dans les premiers du classement, je me disais que j’allais faire comme la première étape (ndlr : il a terminé 19ème avant jury). C’était sans compter sur toute la fin de l’étape, où je prends du plaisir au portant, avec des alizés forts et qu’au classement je remonte. Alors forcément, je suis heureux. L’apothéose de tout ça, c’est d’arriver en Guadeloupe, et que toute ta famille soit là, j’étais très content.

© Manon Le Guen

Peux-tu nous parler de tes options prises et pourquoi tu les as choisies ? 

Tout s’est joué sur la vitesse pure du bateau et du placement sur les cinq premiers jours. Je pense que j’ai manqué un peu de vitesse pour atteindre le podium. On voit que le premier, Luca Rosetti, s’en va par devant et devient clairement intouchable dès le début. Pour ce qui est de la vitesse, je faisais du mieux que je pouvais ; en placement c’était compliqué de trouver la meilleure stratégie… J’ai pris mon rythme, et au début il y a 2 ou 3 transitions qui font que je suis un peu un cran derrière, et cet écart-là je n’ai jamais réussi à le combler sur toute la course. 

Quel est pour toi ton meilleur coup ?

C’est dans les cinq derniers jours, quand je décide d’aller au sud avant tout le monde. Je sais qu’il va y avoir du vent faible au 20ème parallèle nord, au nord de la flotte, j’anticipe et décide de partir plus au sud avant tout le monde. Ce choix-là me fait remonter pas mal de places à la fin de la course.

Quel est pour toi le meilleur moment de cette Mini Transat 2023 ?

Je pense que c’était quand le bateau a enfin accéléré au dessus des 10 nœuds. Tout le début de la course on était au près, avec de la molle, et puis un moment on a touché du vent de nord-est, et on a pu commencer à naviguer au portant, sous ma grande bulle (nb : son spi). J’ai d’ailleurs filmé ça, lorsque je prends de la vitesse au fur et à mesure, notamment la nuit, où je suis passé sous un grain. C’était la première fois sur la course que le bateau trouvait une rafale. Et là « paf », le bateau a accéléré au dessus de 13 nœuds, et le fait de sentir le bateau glisser, sous un ciel étoilé magique, en short et tee-shirt, en pleine nuit, je me suis dit « ok, c’est enfin le début des alizés, et ça va être ça durant les 10 prochains jours ». C’était très plaisant.

© Ulysse David

Peux-tu nous raconter ton pire moment de course ?

Quand j’ai dû monter au mât lorsque ma drisse était partie en l’air sans mon gennaker. Clairement. Je ne voulais pas perdre de temps avec ce problème-là, parce qu’il fallait juste monter au mât, attraper ma drisse et redescendre. Sauf que je me suis fait vraiment mal, j’ai eu des bleus de partout. En haut, je me disais « c’est tellement rien ce qu’il te reste à faire », il fallait que je le fasse, tendre le bras, attraper la drisse. À chaque fois que je le faisais, je décollais, terminais dans le mât, ou dans la barre de flèche… Il fallait donc jongler et anticiper les vagues. J’ai eu l’impression d’aller au bout de mes forces pour faire ce tout petit effort. Je ne pensais pas qu’il serait si important, j’ai tout donné… J’ai même dû monter 2 fois au mât parce que la drisse passait sous le vent puis s’est emmêlée dans les haubans. Il fallait lâcher les deux mains du mât pour la démêler, je me faisais fracasser contre le mât à chaque vague. Et je pouvais pas attendre parce qu’il fallait envoyer le gennaker et le vent allait monter… 

© Ulysse David

Comment tu as géré le sommeil à bord ?

J’ai fait de bonnes nuits. J’ai bien réussi à dormir. Les derniers jours en revanche, il faisait terriblement chaud dans le bateau, et tu vis quand même en transpirant énormément, dans une boîte. Et quand tu sors, t’es sous un soleil de plomb. J’ai découvert que la chaleur pouvait être un facteur limitant à la performance. Pour dormir la journée, il fallait vraiment avoir un ventilateur sur le visage pour réussir à s’endormir, sans devenir une fontaine. La chaleur a été dure parce que tu transpires tout le temps. À un moment tu veux te changer pour te sentir bien, tu prends une douche, tu mets un tee-shirt propre, et sans bouger, en restant à l’intérieur pour faire ta météo, tu t’aperçoit que tu es tout poisseux, de nouveau transpirant. 

As-tu eu des problèmes techniques ?

Je n’ai pas eu de problème, ou très peu. Tout a super bien fonctionné, et c’est grâce notamment à toutes les personnes qui m’ont aidé à préparer mon Mini EQUANS, pour qu’il soit si prêt, avec tous les conseils que j’ai pu avoir. Le seul problème que j’ai eu est arrivé à la fin de la course : mon antenne GPS ne fonctionnait plus. J’avais toujours mon GPS, mais il ne me situait plus dessus. Je devais rentrer à la main ma position pour connaître la distance et le cap de la ligne d’arrivée. À ce moment-là de la course, quand il faut faire que des lay-lines, ce n’était pas le plus facile. 

© Tom Dufour / Vivi Miti Agency

Qu’est-ce que tu referais différemment sur la course ?

En termes de gestion de l’énergie du bateau, je ne repartirai pas avec la même configuration. Je partirai avec une autre option que le chargement solaire, qui m’a fait limité la performance. J’ai dû dégrader des réglages du pilote automatique pour moins consommer d’énergie la nuit, alors que si j’avais eu un hydrogénérateur en plus, j’aurais pu être au top de la performance en permanence. Le réglage des panneaux solaires pour éviter le « black-out » est un stress quotidien, et le stress de ne pas avoir de soleil ou être à l’ombre de ses voiles aussi. Ne pas pouvoir charger ses batteries à 100% te fait taper dans ton capital énergie et c’est un poids pesant sur toute la course.

Comment va se passer la suite ? 

Hier, j’ai convoyé mon bateau vers Pointe-à-Pitre, pour qu’il soit embarqué sur un cargo qui le ramènera en métropole. Après ça, je vais me reposer et visiter la Guadeloupe avant de rentrer en France pour reprendre mon poste d’ingénieur chez MerConcept, avec en ligne de mire le Vendée Globe de Charlie Dalin sur l’IMOCA MACIF Santé Prévoyance. Ce qui est sûr, c’est que je veux continuer de naviguer, continuer de travailler sur la performance des bateaux de course au large, et essayer de gagner des courses, en tant que skipper ou non.

Propos recueillis par Victorine HAMON

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